Jules Joseph Rohu 1726-1773
Situation de famille
Jules Joseph naît à Plouharnel le 20 octobre 1726. Il est le fils de Vincent Rohu et d’Agathe Le Baron. Il se marie à 30 ans, le 15 février 1757 à Plouharnel, à Louise Le Bagousse. Celle-ci a fêté la veille l’anniversaire de ses 16 ans. Son jeune âge a nécessité la double autorisation de Monseigneur l'évêque de Vannes et du juge de la Juridiction royale d'Auray. Le couple donnera naissance à huit enfants. Deux vont mourir en bas-âge (Louise et Michel Thomas) et cinq vont prendre une part active dans la chouannerie. Jules Joseph se noie tragiquement en mer le 6 avril 1773 à Plouharnel. Il avait 47 ans. Son dernier fils, Joseph, naîtra environ trois mois après sa mort.
L'An de grâce 1773, le 6e jour d'avril, fut inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de JJR, syndic de la marine, décédé d'hier au village du Pont-Neuf, époux de Louise Le Bagousse, âgé d'environ 46 ans, muni de tous les sacrements.
Syndic des classes de la marine
Jules Joseph exerçait la profession de syndic des classes de la marine et de négociant. Au XVIIe siècle, Jean-Baptiste Colbert, Ministre de la Marine et des Colonies, réorganisa l’enrôlement et le recensement des gens de mer, c’est-à-dire des matelots et de ceux qui étaient appelés par leur métier à servir sur les vaisseaux du roi. Ils étaient divisés par « classes » pour servir alternativement dans les armements. Les personnes concernées devaient être inscrites sur des rôles tenus par un commissaire qui se faisait seconder dans les paroisses par un syndic.
En sa qualité de syndic des classes de la marine, Jules Joseph joua un rôle de premier plan dans les naufrages les plus célèbres de l’histoire de Plouharnel, celui du Mentor et de la Duchesse d’Aiguillon.
En sa qualité de syndic des classes de la marine, Jules Joseph joua un rôle de premier plan dans les naufrages les plus célèbres de l’histoire de Plouharnel, celui du Mentor et de la Duchesse d’Aiguillon.
Les naufrages du Mentor et de la Duchesse d’Aiguillon
Les 8 et 9 janvier 1765, deux navires s’échouèrent sur la côte de Plouharnel. L’un, le Mentor, pratiquait le « commerce triangulaire » et appartenait à un riche armateur nantais. C’était un bâtiment imposant de 200 tonneaux. De retour de Saint-Domingue, il était chargé de bois de campêche et il transportait un véritable « trésor » : des caisses remplies de 30 000 piastres, des pièces d’argent espagnoles. L’autre, la Duchesse d’Aiguillon, de proportions plus modestes (environ 100 tonneaux), était chargée de sucre, de café, d’indigo, de coton et de pièces de bois rouge. Les équipages furent miraculeusement sauvés et, après bien des péripéties, la presque totalité du « trésor » fut récupérée.
Le 8 janvier, alors qu’il procède à son inspection du matin, Jules Joseph remarque les deux navires en difficulté pris dans la tempête. Après l’échouage du Mentor, il réquisitionne douze fusiliers ainsi que des volontaires pour monter la garde devant l’épave afin de parer à d’éventuels pillages. Le 9 janvier, à 1 heure 30 du matin, il rédige une lettre à Monsieur de Lépinay, lieutenant de l’Amirauté de Vannes, qu’il fait parvenir par exprès. Cette précieuse lettre est consultable ici avec sa transcription dactylographiée.
Les deux commissaires immédiatement dépêchés sur les lieux par Monsieur de Lépinay confirment les dispositions prises dans l’urgence par Jules Joseph. Celui-ci recueille dans son « magasin » de Plouharnel une partie des objets de la Duchesse d’Aiguillon laissés sur place. Lors des mises aux enchères des objets récupérés et du bois d’épave (4 et 26 février 1765), il acquiert plusieurs lots dont un canot du Mentor et, surtout, après 25 enchères successives, la coque de la Duchesse d’Aiguillon contre la coquette somme de 900 livres (environ 17 000 euros 2023).
Les deux commissaires immédiatement dépêchés sur les lieux par Monsieur de Lépinay confirment les dispositions prises dans l’urgence par Jules Joseph. Celui-ci recueille dans son « magasin » de Plouharnel une partie des objets de la Duchesse d’Aiguillon laissés sur place. Lors des mises aux enchères des objets récupérés et du bois d’épave (4 et 26 février 1765), il acquiert plusieurs lots dont un canot du Mentor et, surtout, après 25 enchères successives, la coque de la Duchesse d’Aiguillon contre la coquette somme de 900 livres (environ 17 000 euros 2023).
L’histoire ne s’arrête pas là : le 7 février 2001, sur la plage de Penthièvre, des employés municipaux occupés à nettoyer des rochers mazoutés à la suite du naufrage de L’Erika mirent au jour les restes d’une épave. Cette épave énigmatique prêta à de nombreuses conjectures dont la presse locale et la presse nationale se firent l'écho. Les archéologues diligentés sur place conclurent qu’il s’agissait des vestiges de la coque de la Duchesse d’Aiguillon… cette coque dont Jules Joseph était devenu le propriétaire près de 250 ans auparavant!
Le commerce triangulaire
Le commerce triangulaire consistait pour les Européens à faire venir en Afrique des marchandises bon marché (armes, vins, verroterie, « pacotille »…) qui, sur place, étaient échangées contre des esclaves noirs qu’on transportait vers le continent américain où ils étaient vendus contre des matières premières coloniales (épices, sucre, tabac, café…) Les navires revenaient en Europe chargés de ces matières premières qui étaient alors très recherchées. Nantes était au XVIIIe siècle le port négrier le plus important de France. Contre de la « pacotille », le capitaine du Mentor avait négocié en Guinée l’achat de 455 esclaves. 126 allaient périr durant la traversée vers les Amériques. Le navire touchait à son port d’attache quand il fut pris par la tempête et déporté par elle vers la côte de Plouharnel.